pxfb

Singulier / Collectif 

19|21 du 04.02.20

Les projets dansés, presque toujours menés à plusieurs, devraient constituer un lieu privilégié pour repenser et remettre en pratique les questions du collectif et du singulier, dans l’articulation, nécessairement mouvante et sans correspondances nécessairement préétablies, entre effectuation du geste, modes de composition et organisation du groupe de travail.

Marie Bardet 1

Briller, se démarquer par son geste individuel, n’est sans doute pas la motivation principale des personnes qui viennent au Grand Studio du Ballet du Nord à Roubaix, le premier mardi de chaque mois.

Recherche-création et diversité gestuelle

À partir des déclencheurs esthétiques proposés par les artistes, chacun.e effectuera un travail d’écoute au gré des perceptions de ce qui l’entoure. Cela peut venir d’un changement de l’intensité ou des couleurs de l’éclairage ; d’une musique qui prend tantôt l’allure d’une fanfare, tantôt celle d’un tango ; ou encore, d’une voix qui raconte une histoire… Prenons l’exemple du 19|21 du 4 février 2020. Dans une démarche de recherche-création, l’artiste invité – le chanteur-narrateur Emmanuel de Lattre, accompagné du violoncelliste Thimotée Couteau – propose de composer une séance en cinq actes autour des quatre éléments : le feu, la terre, l’eau et l’air. Libre à chacun.e de choisir l’élément sur lequel il ou elle voudra faire évoluer sa danse. Le cinquième acte, qui est l’aboutissement des quatre précédents, est consacré à l’amour et tout le monde est invité à rejoindre le plateau. En interaction avec la voix du conteur et le son du violoncelle, sous un éclairage rouge, le groupe – une quarantaine de personnes – donne à voir une diversité gestuelle qui ne saurait correspondre à un seul et unique principe de composition.

Une fille traverse la scène de jardin à cour – comme on dirait en théâtre –, les bras tendus vers l’arrière, en faisant coïncider ses relevés avec les accents rythmiques de la musique. Après avoir fait une petite glissade, une personne tourne sur son propre axe et lance ses deux bras vers le haut, à la manière d’un éclat. En même temps, quelqu’un d’autre trace une ligne sinueuse dans l’espace, en enchaînant les ondulations en avant de ses bras, les transferts de poids et les tours. Entre course et marche accélérée, un autre garçon fait un parcours circulaire sur le bord extérieur du groupe…

19|21 du 3 décembre 2019

 

Gestes singuliers qui trouvent leur place

Malgré leur dimension singulière, ces trajets gestuels ne relèvent pas d’une recherche isolée. Cela va être l’un des traits les plus évidents du 19/21 que de multiplier les occasions pour s’engager dans des danses à deux, à trois, à plusieurs. Comme, par exemple, ces deux filles qui partent d’en bas, les jambes pliées, et qui se mettent progressivement debout en suivant la cadence rythmique mentionnée ; alors qu’elles se balancent sur les côtés, elles restent unies par une accolade ; ensuite, l’accolade donne lieu à un contact par les mains, avec les bras tendus… 
 

19|21 du 3 décembre 2019

Les improvisations suscitent la question de l’avenir immédiat du geste, non seulement par rapport à soi-même, en tant qu’individu, mais aussi – et surtout – par rapport aux autres qui sont là. Lors de la discussion en fin de séance, quelqu’un a dit : « on se pose la question de s’il faut aller chercher l’autre… Avec le temps, on apprend à se connaître ». Cette prise de contact chaque fois renouvelée finit par créer une sorte de familiarité… Au moins entre ceux et celles qui ont pris l’habitude de venir le premier mardi de chaque mois. Ce rapprochement a trait à la « résonance citoyenne » dont nous avons parlé ailleurs. Car, au bout du compte, le travail de la danse incite à « accueillir l’autre sans jugements ni sur les nationalités, ni sur les âges… ». « Dans la rue, ça n’arrive pas », conclut la participante qui fait ce commentaire. 
Ainsi, chacun.e sait que la singularité de son geste trouvera sa place et qu’elle pourra être visible par celui ou celle qui voudra bien la regarder, l’important étant d’offrir à cette singularité l’occasion d’interagir avec d’autres, jusqu’à ce qu’un corps collectif commence à émerger sans une figure établie au préalable. 
 

19|21 du 3 décembre 2019
19|21 du 3 décembre 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

Ivan Jimenez


1 Marie Bardet, « Inquiétudes et paradoxes du commun. Danser ensemble, danser comme, danser avec ? », Repères. Cahier de danse, n° 25 [Mettre en commun. Se rassembler, se ressembler ?], avril 2010, p. 4. 

 

Singulier / Collectif 

19|21 du 04.02.20

Les projets dansés, presque toujours menés à plusieurs, devraient constituer un lieu privilégié pour repenser et remettre en pratique les questions du collectif et du singulier, dans l’articulation, nécessairement mouvante et sans correspondances nécessairement préétablies, entre effectuation du geste, modes de composition et organisation du groupe de travail.

Marie Bardet 1

Briller, se démarquer par son geste individuel, n’est sans doute pas la motivation principale des personnes qui viennent au Grand Studio du Ballet du Nord à Roubaix, le premier mardi de chaque mois.

Recherche-création et diversité gestuelle

À partir des déclencheurs esthétiques proposés par les artistes, chacun.e effectuera un travail d’écoute au gré des perceptions de ce qui l’entoure. Cela peut venir d’un changement de l’intensité ou des couleurs de l’éclairage ; d’une musique qui prend tantôt l’allure d’une fanfare, tantôt celle d’un tango ; ou encore, d’une voix qui raconte une histoire… Prenons l’exemple du 19|21 du 4 février 2020. Dans une démarche de recherche-création, l’artiste invité – le chanteur-narrateur Emmanuel de Lattre, accompagné du violoncelliste Thimotée Couteau – propose de composer une séance en cinq actes autour des quatre éléments : le feu, la terre, l’eau et l’air. Libre à chacun.e de choisir l’élément sur lequel il ou elle voudra faire évoluer sa danse. Le cinquième acte, qui est l’aboutissement des quatre précédents, est consacré à l’amour et tout le monde est invité à rejoindre le plateau. En interaction avec la voix du conteur et le son du violoncelle, sous un éclairage rouge, le groupe – une quarantaine de personnes – donne à voir une diversité gestuelle qui ne saurait correspondre à un seul et unique principe de composition.

Une fille traverse la scène de jardin à cour – comme on dirait en théâtre –, les bras tendus vers l’arrière, en faisant coïncider ses relevés avec les accents rythmiques de la musique. Après avoir fait une petite glissade, une personne tourne sur son propre axe et lance ses deux bras vers le haut, à la manière d’un éclat. En même temps, quelqu’un d’autre trace une ligne sinueuse dans l’espace, en enchaînant les ondulations en avant de ses bras, les transferts de poids et les tours. Entre course et marche accélérée, un autre garçon fait un parcours circulaire sur le bord extérieur du groupe…

19|21 du 3 décembre 2019

 

Gestes singuliers qui trouvent leur place

Malgré leur dimension singulière, ces trajets gestuels ne relèvent pas d’une recherche isolée. Cela va être l’un des traits les plus évidents du 19/21 que de multiplier les occasions pour s’engager dans des danses à deux, à trois, à plusieurs. Comme, par exemple, ces deux filles qui partent d’en bas, les jambes pliées, et qui se mettent progressivement debout en suivant la cadence rythmique mentionnée ; alors qu’elles se balancent sur les côtés, elles restent unies par une accolade ; ensuite, l’accolade donne lieu à un contact par les mains, avec les bras tendus… 
 

19|21 du 3 décembre 2019

Les improvisations suscitent la question de l’avenir immédiat du geste, non seulement par rapport à soi-même, en tant qu’individu, mais aussi – et surtout – par rapport aux autres qui sont là. Lors de la discussion en fin de séance, quelqu’un a dit : « on se pose la question de s’il faut aller chercher l’autre… Avec le temps, on apprend à se connaître ». Cette prise de contact chaque fois renouvelée finit par créer une sorte de familiarité… Au moins entre ceux et celles qui ont pris l’habitude de venir le premier mardi de chaque mois. Ce rapprochement a trait à la « résonance citoyenne » dont nous avons parlé ailleurs. Car, au bout du compte, le travail de la danse incite à « accueillir l’autre sans jugements ni sur les nationalités, ni sur les âges… ». « Dans la rue, ça n’arrive pas », conclut la participante qui fait ce commentaire. 
Ainsi, chacun.e sait que la singularité de son geste trouvera sa place et qu’elle pourra être visible par celui ou celle qui voudra bien la regarder, l’important étant d’offrir à cette singularité l’occasion d’interagir avec d’autres, jusqu’à ce qu’un corps collectif commence à émerger sans une figure établie au préalable. 
 

19|21 du 3 décembre 2019
19|21 du 3 décembre 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

Ivan Jimenez


1 Marie Bardet, « Inquiétudes et paradoxes du commun. Danser ensemble, danser comme, danser avec ? », Repères. Cahier de danse, n° 25 [Mettre en commun. Se rassembler, se ressembler ?], avril 2010, p. 4.