Au Sénégal ou au Mali, on peut encore entendre que «conduire dans des « tablettes de chocolat » (des routes défoncées) même avec un « au revoir la France » (voiture d’occasion amenée d’Europe), c’est « caillou » (difficile) !
Qu’est-ce que cela implique, aujourd’hui, d’être citoyennes de villes issues du, ou marquées par, le système colonial français ? Quels regards se façonnent à grandir d’un côté ou d’un autre de l’océan ? À quel point est-ce déterminant dans la construction identitaire féminine ?
À travers « Caillou », trois danseuses et une vidéaste, femmes de France, du Sénégal et de Guadeloupe se rassemblent, autour d’un projet collaboratif, entre leurs terres respectives. Elles s’interrogent sur les conséquences de ce passé colonial, qui lie leurs territoires encore aujourd’hui, ainsi que sur la relation entre genre, discrimination et espaces publics, dans des villes de France, du Sénégal et de la Guadeloupe.
Par la rencontre, la danse, l’image et le son elles cherchent à mettre les frontières et les vis-à-vis dans des espaces communs, à 4 temps donnés. En parallèle, elles travaillent sur les notions de mémoire, de posture et de regard, tout en explorant une approche de la chorégraphie par la sensation. Elles seront tour à tour l’invitée de la voisine, et l’étrangère de l’autre.
« Caillou » réunit des citoyennes résistantes de villes façonnées par une histoire coloniale commune. Des femmes, amoureuses et passeuses de danses, issues de “villes mondes”*. Des femmes liées par des regards conscients, des identités artistiques créolisées* et des signatures fortes. Des femmes aux luttes franches, et aux corps bavards. Des femmes qui interrogent leurs postures, leurs manières de travailler, leurs regards, mais aussi le regard que leur porte le territoire. Apprendre l’histoire de la « Françafrique », des colonies, c’est difficile, c’est caillou. Réaliser que l’on est quelque part, et malgré soi, un produit de la colonisation, c’est difficile, c’est caillou. Et, pourquoi être une femme ça le se-rait encore plus ? Est-ce qu’à se poser des questions, on commence à décoloniser les esprits ? et les corps ?