Véritable reflet de la culture créole, le jardin est un mélange d’influences amérindiennes, africaines et européennes. Cette créolisation est à l’image du travail chorégraphique de la compagnie Difé Kako, qui se situe au carrefour des danses traditionnelles afro-antillaises et des écritures contemporaines. A l’instar de ce jardin, la pièce regroupe des styles de danses différents qui, par de multiples connexions, créent une gestuelle originale et singulière. Danse contemporaine, gwoka de la Guadeloupe, bèlè de la Martinique, zouk, danses malinké d’Afrique de l’ouest, gumboots d’Afrique du Sud : au carrefour des traditions et de la modernité se mêlent les nouveaux atomes d’une identité plurielle.
Plantons un décor imaginaire… L’arbre à pain trône, les flamboyants bourgeonnent, les balisiers éclosent tandis que les hibiscus fleurissent, les mangé-coulis grimpent. Une parfaite association de plantes légumières, fruitières, médicinales et décoratives. Nous voici dans un jardin créole à l’image de ceux, florissants, des Antilles, à la fois véritable art de vivre et expression artistique authentique. Les spectateurs se laissent ainsi guider dans une promenade au détour de laquelle épouvantails, jardiniers, bombyx et autres papillons vont le surprendre. Sans oublier notre « zandoli », ce petit lézard vert des Antilles, présent dans de nombreux proverbes et comptines créoles, qui ne tardera pas à nous mettre en garde contre nos insouciants méfaits.
Car ce jardin extraordinaire sera bientôt terni. Se faisant tour à tour devoir de mémoire du labeur des esclaves dans les champs de cannes à sucre au travers Joséphine de Beauharnais, et évocation de l’histoire des afro-descendants avec Joséphine Baker, à la fois figure exotique de La Danse sauvage et symbole d’émancipation et de liberté, ce jardin vient nous relier aux problématiques du présent. Il est bien question ici de domination : domination de l’homme sur l’homme, domination de l’homme sur la nature, domination de l’avoir sur l’être. Sans se départir d’espièglerie, la pièce interroge surtout de manière didactique l’actualité : qu’est-ce que le chlordécone ? Quels sont les effets du chlordécone sur la nature et sur l’homme ? Reliant passé et présent, qu’en dirait Joséphine ? Mais laquelle ? Baker, la militante ou Beauharnais, femme métisse de Bonaparte, lequel rétablit l’esclavage ?
Chemin faisant, Chantal Loïal n’aura pas abandonné l’optimisme qui la caractérise, faisant de cette pièce un plaidoyer pour la nature, une célébration de la solidarité amenant les spectateurs à faire corps et choeur, pour que les voix s’élèvent vers l’horizon d’un avenir meilleur.